Une vidéo très utile pour comprendre le rôle des paradis fiscaux dans un espace commun où les politiques budgétaires relèvent toujours de la souveraineté nationale:
Paradis fiscaux et politiques budgétaires dans l’UE (O.Passet)
29 mardi Mai 2018
29 mardi Mai 2018
Une vidéo très utile pour comprendre le rôle des paradis fiscaux dans un espace commun où les politiques budgétaires relèvent toujours de la souveraineté nationale:
19 samedi Mai 2018
» En France, la monnaie unique a permis de réduire la charge de la dette publique «
Pour Xavier Timbeau, directeur principal à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’euro a aussi amplifié la crise de 2012.
L’union monétaire a été créée pour mettre fin à l’instabilité des changes. La France y était-elle particulièrement exposée ?
Oui. Le franc a longtemps eu la réputation d’être une monnaie faible, traînant derrière lui une longue histoire de dévaluations. Dans les années 1980, celles-ci avaient généré une énorme inflation. Le franc subissait en outre une double pression : plus faible que le -deutschemark, il était aussi soumis aux dévaluations des monnaies du Sud. Résultat : au début des années 1990, au moment de la réunification allemande, Paris a choisi de conserver une parité avec le mark. Mais, comme beaucoup d’Etats ont dévalué leur monnaie, cela a entraîné une perte de compétitivité de l’économie française. L’instabilité des taux de change a pesé sur la capacité des industriels à investir.
Ce que les uns ont gagné en stabilité avec l’euro, les ménages l’ont-ils perdu en pouvoir d’achat ?
Le débat sur le sujet a été très intense au début des années 2000. L’Insee a fini par trancher : il n’y a pas eu de bond en avant des prix au moment du passage à l’euro. A son introduction, la monnaie unique était plutôt dévaluée par rapport au dollar, ce qui a provoqué un peu d’inflation importée, et il y a eu également un effet d’arrondi. Les consommateurs ont fortement ressenti la hausse de certains produits comme le café au comptoir. Mais ils ont oublié la baisse des prix d’un certain nombre de biens manufacturés et d’équipement.
Comment expliquez-vous l’écart entre les statistiques et la perception générale ?
L’euro était censé poser les conditions d’une stabilité macroéconomique et permettre aux Européens de s’insérer sans trop de dommages dans la mondialisation. Seulement, il n’a pas empêché l’irruption des inégalités. A cause du chômage et des politiques budgétaires, les classes moyennes ont vu leur pouvoir d’achat stagner, voire décroître. Parce que ce pouvoir d’achat est exprimé en euros, la monnaie unique représente cette perte de niveau de vie.
L’Etat en a-t-il davantage profité ?
Oui, parce qu’il a eu un effet très fort sur les taux d’intérêt. Le taux apparent – le taux moyen de toutes les obligations émises et non arrivées à échéance – de la dette publique a baissé continûment pour la France. Il est passé de plus de 6 % à 2 % entre 1996 et 2016. Cela a permis de réduire la part de la charge d’intérêts payée chaque année de 3,5 points à 2 points de PIB aujourd’hui, malgré la hausse de la dette publique. Cela représente entre 40 et 60 milliards d’euros économisés chaque année.
Qu’est-ce que la crise de 2008 a changé ?
Elle a réactivé le spectre d’une difficulté de financement de la dette publique et de l’ensemble des agents économiques. Le secteur bancaire a coupé la distribution de crédits, ce qui a pénalisé l’activité en France et impacté notamment la trésorerie des entreprises et les possibilités d’investissement.
Comment en est-on sorti ?
Début 2009, les pays développés se sont mis à faire de la relance coordonnée. Cela a plutôt fonctionné dans un premier temps, mais la zone euro a commis l’erreur de penser que le plan de soutien au secteur financier de l’automne 2008 suffirait pour que les banques absorbent le choc. Alors que la Réserve fédérale américaine et la banque centrale britannique ont immédiatement mis en place des rachats massifs de titres publics, la Banque centrale européenne – BCE – a considéré que chacun devait se débrouiller avec ses dettes. Contrairement à 2008, la crise de 2012 en Europe est donc fondamentalement liée à la monnaie unique, qui l’a amplifiée. La BCE a dû revoir sa politique, et les rachats de dettes décidés par son président, Mario Draghi, ont stoppé la spéculation.
Propos recueillis par Élise Barthet
19 samedi Mai 2018
Les promesses vacillantes de l’euro
Secouée par dix ans de crise, l’union monétaire doit affronter la montée de l’euroscepticisme
C’est le scénario noir. Un risque aux conséquences au-delà de l’imaginable, que beaucoup à Paris, Bruxelles, Berlin pensaient écarté pour de bon. Voire enterré, puisque la croissance est de retour. Mais ces derniers jours, la perspective d’une coalition gouvernementale entre les populistes du Mouvement 5 étoiles et les souverainistes de la Ligue en Italie a rappelé les europhiles à la réalité : la zone euro n’est pas immortelle. Rien ne garantit qu’elle survivra à la prochaine crise financière. Et avant cela, peut-être, à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement euro-sceptique dans la troisième économie de la région. Car même si les deux formations italiennes affirment vouloir conserver l’euro, elles pourraient bloquer les réformes indispensables à sa pérennité. » Avec l’Italie, une terrible épreuve de vérité se prépare pour l’union monétaire « , redoute Daniel Cohen, économiste à l’Ecole normale supérieure..
La monnaie unique est une institution fragile. Et jeune. Les Etats membres l’ont introduite en 1999 pour les transactions financières, puis en 2002 pour les pièces et billets. Avec un objectif : renforcer encore les liens entre leurs économies, mettre fin aux incertitudes liées aux fluctuations des changes et contribuer à la prospérité commune. Seulement voilà : sur les dix-neuf années d’existence de l’euro, dix ont été marquées par la crise. Cela rend tout bilan délicat. Les plus sévères soulignent que dans les pays les plus faibles, il a contribué à la désindustrialisation. Les eurosceptiques lui font porter le chapeau de tous les maux du moment, du chômage aux inégalités en passant par les délocalisations. » L’euro sert parfois de bouc émissaire facile « , regrette Philippe Martin, président délégué du Conseil d’analyse économique. » Il a pu aggraver certaines difficultés, mais beaucoup -relèvent d’abord de problèmes nationaux « , ajoute Jeromin Zettelmeyer, économiste en chef du ministère de l’économie allemand entre 2014 et 2016, aujourd’hui à l’Institut Peterson, un think tank de Washington.
Voilà où en est l’euro : tout le monde s’accorde à dire qu’il fonctionne mal. Mais les diagnostics sur les causes divergent. Si l’on schématise, deux grands courants s’affrontent. Le premier, plutôt représenté en Allemagne et en Europe du Nord, juge que les problèmes viennent pour bonne partie des erreurs de politiques économiques de certains gouvernements, responsables, entre autres, d’avoir violé les règles collectives. En particulier celles imposant la limite de 3 % du PIB pour le déficit public et de 60 % pour la dette -publique. Dans ces conditions, il faut renforcer les règles. Sans quoi, mutualiser dettes ou budgets conduirait à la catastrophe.
Le second courant, notamment représenté en France, estime que l’incomplétude de la monnaie unique est, pour l’essentiel, à l’origine du mal. » Comme elle n’a pas de budget fédéral ni de mécanisme de solidarité, les ajustements sont uniquement portés par les pays les plus fragiles, contraints de -couper dans les dépenses et les salaires : la zone euro telle qu’elle fonctionne aujourd’hui fabrique la divergence entre ses membres « , s’inquiète Patrick Artus, économiste chez Natixis.
Pas étonnant, dès lors, que Paris et Berlin aient tant de mal à s’entendre. Les deux pays doivent présenter, avant le sommet européen des 28 et 29 juin, une feuille de route commune jetant les pistes des réformes pour solidifier l’euro. Mais en dépit des appels d’Emmanuel Macron, l’Allemagne traîne des pieds. L’idée de créer un budget de la zone euro, chère à Paris, la laisse de marbre. Toute perspective de mutualisation financière fait frémir nos voisins, soucieux de ne pas mettre au pot commun pour des pays manquant de sérieux financier à leurs yeux. » En vérité, Paris et Berlin n’ont pas le même projet en tête « , regrette un diplomate européen. » Le grand risque, aujourd’hui, est que l’on opte pour le statu quo : ce serait faire le lit de la prochaine crise « , redoute l’eurodéputée socialiste Pervenche Bérès.
Un attrait terni par la crise
Nombre d’économistes et dirigeants politiques restent pourtant convaincus qu’entre les deux rives du Rhin, un compromis est possible. Après tout, l’union monétaire a déjà surmonté de plus grands obstacles. Elle a survécu au risque d’une dislocation à l’été 2015, lorsque ses dirigeants se sont accordés pour maintenir la Grèce dans l’euro, en dépit des tensions explosives entre Athènes et Berlin. Le ministre des finances allemand de l’époque, le puissant Wolfgang Schäuble, était en effet favorable au » Grexit « , la sortie de la Grèce…
Donnant tort à ceux qui prédisaient leur paralysie, les dirigeants européens ont aussi réussi, au cœur de la récession, à bâtir l’union bancaire, indispensable pour renforcer les banques. Désormais, celles-ci sont supervisées de près par la Banque centrale européenne (BCE). Et les nouvelles règles exigent qu’en cas de faillite, les actionnaires – et non plus les contribuables – soient les premiers à payer. En 2012, ils ont aussi instauré un premier pare-feu anticrise, le Mécanisme européen de stabilité. Doté d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros, il apporte une assistance aux pays en difficulté financière. C’est lui qui, aujourd’hui, verse les aides à Athènes, dans le cadre du troisième plan de sauvetage du pays.
En outre, les partis eurosceptiques ont pour la plupart expurgé leurs discours de références à une sortie de l’Eurozone à la suite du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, en juin 2016. La déconfiture de Marine Le Pen à l’élection présidentielle française, en 2017, a démontré l’incohérence du raisonnement prônant le retour au franc. En Autriche, le FPÖ est résolument contre l’idée d’une sortie de l’euro. En Italie, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles ont quelque peu adouci leur discours pendant la campagne électorale.
Ce n’est pas un hasard : même s’ils se montrent critiques, les citoyens des dix-neuf pays membres restent attachés à la monnaie unique. D’après la dernière enquête de la Commission européenne sur le sujet, menée en octobre 2017, 64 % d’entre eux estiment qu’elle est une bonne chose pour leur pays. Il s’agit du plus haut niveau enregistré depuis 2002, en progression de 8 points sur un an. Et 79 % sont favorables à l’adoption de réformes pour améliorer son fonctionnement.
Mais hors des frontières de l’Euroland, l’euro ne fait plus rêver. La crise a terni son attrait. Selon les traités, tous les pays membres de l’Union européenne (UE) ont en théorie vocation à le -rejoindre. Or, depuis l’adhésion de l’Estonie (2011), de la Lettonie (2014) puis de la Lituanie (2015), les candidats se font rares. Parmi les huit membres restant (sans compter le Royaume-Uni), seule la Bulgarie, pays le plus pauvre de l’UE, est officiellement volontaire. Sur le papier, ses comptes publics sont dans les clous. Mais l’état de ses banques et la corruption endémique dans le pays inquiètent. » Personne ne voit Sofia entrer rapidement dans la zone euro : on ne leur dira pas non, mais le processus sera très long « , confient deux sources diplomatiques. C’est dire si la dynamique de l’Eurozone, censée incarner l’achèvement du rêve européen, s’est essoufflée.
L’adhésion de la Pologne, premier pays de l’Est par sa démographie, aurait pu la relancer. Mais il n’en est plus question depuis fin 2016, lorsque le parti conservateur eurosceptique Droit et justice (PiS) a pris le pouvoir. Au-delà des nécessaires réformes et de l’impasse du dialogue franco-allemand, le futur de monnaie -unique se joue aussi ici, juge-t-on à Bruxelles. A savoir, convaincre une Europe de l’Est échaudée par la crise des migrants et tentée par le repli populiste que l’euro n’est pas un petit club sans avenir, réservé aux pays de l’Ouest…
Marie Charrel et Cécile Ducourtieux, (Bruxelles, bureau européen)
30 vendredi Mar 2018
L’augmentation américaine des tarifs douaniers sur l’acier (25%) et l’aluminium (10%) est des plus préoccupantes, car elle s’inscrit dans le cadre d’une politique de défiance à l’égard du multilatéralisme et annonce des lendemains incertains. Elle est en effet grosse de dangers, d’une part, pour les relations commerciales internationales, avec la perspective d’une escalade voire d’une guerre commerciale, et, d’autre part, pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC) elle-même, déjà mal en point et qui risque d’être davantage affaiblie.
Le relèvement des droits de douane est justifié au nom de la sécurité nationale (Section 232 du Trade Expansion Act de 1962). Motif en réalité surprenant car bien des indices (problème ancien, déclarations américaines, exemptions « payantes », victimes alliées, etc.) tendent à prouver que le problème en cause est fondamentalement économique (un marché international en surcapacité et une industrie américaine peu compétitive). Dès lors l’on peut s’interroger sur le point de savoir si l’on n’est pas en présence d’une mesure de sauvegarde, que le droit de l’OMC autorise et qui permet habituellement de renforcer les barrières tarifaires en cas de désorganisation du marché intérieur.
Pourquoi alors ne pas avoir opté pour ce choix ? Tout simplement parce que plusieurs conditions objectives doivent alors être remplies, lesquelles conditions sont en outre susceptibles d’un contrôle strict par le juge de l’OMC. Les États-Unis en savent quelque chose, eux qui ont perdu plusieurs dossiers de ce type, y compris celui portant sur l’acier lorsqu’au début des années 2000, le président Bush junior avait adopté de telles mesures, dans la perspective des élections à mi-mandat, aussitôt dénoncées par beaucoup d’États et finalement condamnées par l’OMC. Et on peut penser que l’actuel représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, s’en souvient fort bien en sa qualité d’ancien avocat de l’industrie sidérurgique américaine.
La réaction des partenaires des États-Unis n’est pas pour autant aussi aisée que l’on pourrait le penser. Car riposter en augmentant les tarifs douaniers de produits américains intelligemment choisis en fonction de leur impact politique et économique, comme le fait savoir l’UE notamment, risque également de soulever des questions du point de vue juridique, alors même que l’Union entend rester fidèle aux règles applicables et au multilatéralisme. En effet, de deux choses l’une.
Ou bien la mesure est contestée telle qu’elle est présentée par les États-Unis, c’est-à-dire comme reposant sur un motif de sécurité nationale, et l’UE ne peut se faire justice à elle-même : elle doit saisir l’OMC d’un recours en contestation de son bien-fondé. Or, dans cette hypothèse, les délais habituels de procédure sont tels que la décision ne pourra être attendue avant un minimum d’un an et demi. En cas d’issue favorable aux vues européennes, un délai peut être sollicité par les États-Unis pour la mise en œuvre, à quoi pourrait s’ajouter un désaccord sur la fidélité de cette même mise en œuvre à la décision de l’OMC. Qui plus est, aucune réparation du préjudice subi (pertes de part de marché) n’est possible dans ce cadre contentieux, la meilleure issue que peut espérer l’UE étant le retrait de la décision américaine avec effet pour l’avenir seulement. Comme on le voit, l’absence de véritable procédure contentieuse d’urgence à l’OMC pèse ici cruellement. Sur le fond, l’exception concernant la sécurité dont peuvent se prévaloir les États dans le cadre de l’OMC (article XXI du GATT) a toujours fait l’objet d’une approche prudente des organes de jugement en ce que ceux-ci ont tendance à reconnaître une large marge d’appréciation à l’État qui y recourt. L’article XXI du GATT de 1994 explique en partie au moins cette prudence : il prévoit en effet qu’un membre de l’OMC pourra prendre « toutes mesures qu’(il) estimera nécessaires aux besoins essentiels de sa sécurité ». Ainsi, pour citer un exemple extrême, la Suède a, entre 1975 et 1977, contingenté l’importation de certaines chaussures au nom de sa sécurité. Ce pays a expliqué, mais il est vrai sans convaincre ses pairs, que sa politique de sécurité passait par le maintien d’une capacité minimale de production locale. De leur côté, les États-Unis ont à plusieurs reprises défendu l’idée qu’en tant que pays souverain, ils sont les seuls, à l’exclusion notamment de tout juge international, à pouvoir apprécier les besoins de leur propre sécurité.
Ou bien, réagir sur un autre terrain en considérant que cette modification tarifaire constitue en réalité une mesure de sauvegarde ou une « simple » modification de droits de douane : dans les deux cas une compensation devrait être due, sous certaines conditions, aux pays lésés par l’État qui y procède. Et à défaut de compensation, les pays atteints pourraient alors suspendre leurs propres droits de douane et ainsi restreindre les exportations américaines. Les États-Unis ne manqueront peut-être pas de mettre en doute cette argumentation devant le juge de l’OMC. L’avantage est qu’ici la réaction européenne pourrait être plus rapide, mais ne risque-t-elle pas d’être désavouée au terme d’une éventuelle procédure contentieuse ?
Ajoutons qu’il n’est pas exclu que l’UE recoure elle-même au mécanisme des sauvegardes à l’encontre d’exportations d’acier ou d’aluminium détournées du marché américain en raison du relèvement des droits de douane et en quête d’un marché d’accueil. Ce serait là un effet collatéral des mesures américaines sous la forme de nouvelles difficultés. On voit ainsi que la démarche du président Trump n’est pas dénuée d’arrière-pensées, en ce sens que la Chine, gros exportateur s’il en est, se trouverait alors dans le viseur européen.
À supposer donc que l’UE choisisse la voie de la contestation devant l’OMC, elle risque donc de ne pouvoir appliquer ses mesures restrictives qu’à l’issue de la procédure et moyennant l’autorisation de cette organisation. C’est ainsi, par exemple, que les mesures de sauvegarde sur l’acier prises par le président Bush au tout début 2002 ont certes été condamnées par l’OMC mais n’ont été démantelées qu’en décembre 2003. Et encore faut-il préciser que dans cette dernière affaire, les États-Unis avaient spontanément et rapidement exécuté la décision les condamnant, et que depuis lors la juridiction de l’OMC rencontre des difficultés croissantes tout particulièrement du fait de l’attitude des… États-Unis.
En effet, depuis quelques mois, ce pays bloque, sous des motifs divers, la réélection ou l’élection de (nouveaux) juges à l’Organe d’appel de l’OMC. Et la situation ne semble pas connaître d’issue à court terme, tant et si bien que l’on redoute un ralentissement voire un blocage total du mécanisme. En effet, cet Organe d’appel comporte sept membres et trois sièges sont actuellement vacants ; un quatrième devrait l’être dès septembre 2018. Si le scénario actuel se poursuit, l’Organe d’appel sera exposé à un risque réel de blocage sans parler de la surcharge de travail et de l’allongement inéluctable des délais de jugement conçus pour être particulièrement brefs (deux à trois mois). En effet, trois membres au moins doivent siéger pour chaque affaire et imaginons que, pour une raison ou une autre, l’un d’eux ne le puisse pas…
C’est dire que même si la contestation de l’UE, ou d’un autre membre de l’OMC d’ailleurs, est couronnée de succès, l’avenir s’avère incertain pour l’OMC qui en plus de souffrir, d’une part, de l’insuccès persistant des négociations visant à faire évoluer ses règles (le fameux cycle de Doha lancé en 2001 et toujours infructueux) et, d’autre part, de la concurrence rude que lui livrent les accords commerciaux régionaux, pourrait perdre sa valeur ajoutée la plus précieuse, à savoir son mécanisme de règlement des différends commerciaux. Le risque, on le voit, est réel que l’attitude américaine finisse par rendre impraticable le fonctionnement de ce mécanisme. Il ne fait non plus exclure l’hypothèse que mécontents d’une décision les désavouant, les États-Unis décident de quitter cette organisation, déjà objet de critiques acerbes de la part du président Trump, ou d’en bloquer durablement le fonctionnement, les moyens pour ce faire n’étant pas rares à commencer par la règle du consensus. Ils ont déjà fortement contribué à l’échec de la dernière Conférence ministérielle de l’OMC (Buenos-Aires, décembre 2017).
Un règlement diplomatique serait dans ces conditions avantageux pour l’ensemble des parties. Rappelons-nous que depuis bien longtemps l’acier fait parler de lui de par les tensions que sa commercialisation a fréquemment provoquées, et nombreuses sont les enceintes internationales à en traiter (OCDE, G7, G20…). Avant la création de l’OMC, il avait même fait l’objet d’accords d’autolimitation des exportations entre les pays intéressés. Mais cette solution est aujourd’hui interdite par le droit de l’OMC. Faut-il la ressusciter au nom de la nécessité et moyennant une dérogation de l’OMC ? À la supposer possible (la Chine devrait impérativement être impliquée), cette solution constituerait un paradoxal retour en arrière et une pente bien dangereuse pour l’avenir du système commercial multilatéral. Finalement, la solution ne consisterait-elle pas à renégocier les taux de douane applicables suivant la règle du donnant-donnant, mais à condition que toutes les parties concernées y trouvent leur compte et ne cherchent pas à recevoir sans rien donner en échange ?
29 jeudi Mar 2018
Un bilan de la globalisation financière par André Cartapanis